Je marcherai: voilà le projet.1

Ce projet se situe quelque part entre l’expression chorégraphique et le geste artistique. Marcher comme acte d’engagement, tous mes sens en éveil. Je suis prêt à embrasser tout ce que je pourrais rencontrer : idées, interactions, objets ou épiphanies artistiques catalysées par d’heureuses convergences entre les événements. Mais le travail est dans la marche, et tout ce qu’elle pourra inspirer ne sera qu’un supplément.

De mars à août 2015, je marcherai et ce sera tout. La simple action de marcher : un pied devant l’autre, faisant l’expérience de la pression que produit la gravité entre la plante de mes pieds et la surface de la terre. Je délimiterai un espace en marchant d’une ville côtière à l’autre, de Scheveningen à Katwijk, au bord de la Mer du Nord, du point A au point B et inversement. Le fait que j’habite dans l’une de ces villes et que mon père ait grandit dans l’autre n’est qu’une intéressante coïncidence, sans plus.

Je marcherai de 9 à 5, pendant les heures de travail. Walking Hours, working hours (heures de marche, heures de travail). Le travail est dans la marche.

Cela fait partie d’une suite de projets amorcée il y a quelques années avec Choreography of Love and Labour: the Flower Picker, où, pendant six semaines, je me suis glissé dans la peau d’un cueilleur de jonquilles dans une ferme du Sud-Est de l’Irlande. Chaque matin, j’y faisais mes étirements et ma préparation mentale avant de faire mon entrée en scène dans un champ de fleurs. Là, je cueillais les jonquilles jusqu’à la tombée du jour, finançant mon œuvre par le travail-même qui la constituait − on me donnait dix sous pour chaque bouquet de dix jonquilles amassé. J’étais aussi bien spectateur que performeur, tout comme mes collègues formaient à la fois le public et les personnages d’une chorégraphie délicate et arbitraire. J’ai fait le choix de ne pas documenter le projet. Éphémère, il vit dans la mémoire de quelques-uns, préservé par le récit de ce mouvement dans le temps et l’espace.

Walking Hours tente de transposer le travail (artistique) hors de ses espaces conventionnels, explorant des médiums inattendus d’expression artistique. Le travail y est libéré de l’impératif de produire des résultats tangibles, cherchant à créer non un produit, mais plutôt une pensée, l’amorce d’un mouvement inspirant. Il cherche à engager un dialogue avec un public inattendu. Il refuse d’être limité par des conventions − préférant en briser certaines par accident ou en découvrir d’autres au pas- sage. Sa seule intention est d’embrasser le processus de la marche et de se laisser engager dans son geste.

Walking Hours: the Space Between Things and the Passing in Time sera comprise entre deux bornes, deux éditions du Merle. La première − celle-ci − annonce le début du projet. C’est un énoncé d’intention, mais aussi une invitation adressée à toute personne désirant participer à l’expérience. Je lance l’idée, n’ayant aucune attente précise quant à ce que Walking Hours pourrait apporter (advenant qu’elle apporte quelque chose). Elle n’est guère plus qu’un titre et une partition libre pour activer une chose imprécise. Elle est un espace ouvert à de possibles explorations… du point A au point B et inversement. La seconde et dernière borne − à paraître plus tard … − présentera une documentation encore à définir de ce que Walking Hours aura été.

  1. Ce texte a été traduit de l’anglais par Edith Brunette.