À moins d’être l’un de ces rares mutants surpuissants, virtuoses par force, vous verrez que le tennis de compétition, à l’instar du billard pro, exige une intelligence géométrique, la capacité de calculer non seulement ses angles, mais les angles de réponse de ces angles. Parce que si l’on développe l’arbre des possibilités, la loi est quadratique et il faut prévoir n coups d’avance, avec n fonction du sinus hyperbolique du talent de l’adversaire et du cosinus hyperbolique du nombre de coups échangés jusque-là (grosso modo). Je m’en tirais pas mal du tout. Ce qui faillit un temps faire de moi un grand joueur, c’est que j’étais capable d’intégrer en plus à mes calculs la complication différentielle du vent; j’arrivais à jouer et penser en base huit. Car le vent insufflait des courbures aux lignes droites et donnait une troisième dimension à la surface du court. (…) J’avais développé un genre d’hybris autour de ma capacité taoïste à accomplir la maîtrise par la non-maîtrise. J’avais fondé un culte personnel dédié au vent1.

  1. David Foster Wallace, extrait de Derivative Sport in Tornado Alley (1990). Tiré de Un truc supposément super auquel on ne me reprendra pas, traduit de l’américain par Julie et Jean René Étienne, publié aux éditions Au diable vauvert, 2005, p.19-24